une Alice(s) d'aujourd'hui
D’après l’œuvre de Lewis Carroll : De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva
Mise en scène, adaptation & scénographie Jeanne Mathis
Création son & lumières Ivan Mathis
Costumes : Corinne Ruiz
Avec Stéphane Bau, Valérie Marinese-Barboza, Jeanne Mathis et ... deux petites Alice
Production déléguée Cie Kaïros Théâtre
Coproduction : Espace Tisot, de la Seyne sur Mer - Théâtre du Rocher, de la Garde
Avec le soutien du : CNCDC Chateauvallon
Subvention DRAC PACA - Le Conseil Général du Var
Dans cette adaptation, nous ne mettons pas en scène une Alice, mais plusieurs : deux étant devenues adultes, se remémorant leurs aventures passées, elles racontent comment, étant enfant, les portes d’un monde étrange s’ouvrirent à elles. Six autres Alices ayant l’âge du rôle, sont présentes -à l’écoute-, elles interviennent tout au long de la narration, afin de s’assurer que le récit demeure juste. Car elles connaissent bien ces histoires qui mettent en scène une enfant qui s’invente héroïne tout comme elles.
A la lecture du texte, il nous est apparu évident qu’un rapport de proximité s’imposait. Nous voulons, créer entre le public et nous, un lien identique à celui du conteur.
Le rapport n’est pas frontal mais circulaire, il entraîne une intimité de l’écoute et de l’échange, et laisse libre cours aux murmures et aux confidences. Le spectateur pourra choisir librement de s’installer sur un fauteuil ou encore à même le sol ou sur des coussins. Ce parti pris a pour objet de créer un climat serein, loin du stress des villes, un monde en marge où le Temps semblerait en suspend. De cette atmosphère accueillante, surgiront des épisodes et des rencontres comme autant de délires qui se reflètent dans le miroir.
Enfin, partir d’une couleur commune – le blanc- pour représenter les différents aspects de l’histoire. Le blanc comme lien entre la scénographie et les actrices. Le blanc comme une vision complexe avec ses nuances multiples. Le blanc, comme une note légère, se déclinant à l’infinie. Le blanc comme un écho au rêve et au silence qui l’entoure.
Quand aux lumières elles auront pour but de recréer les reflets et l’éclat d’un après-midi de printemps ou encore de nous plonger dans l’opacité d’un terrier.
Scène 2 : Le jardin des fleurs vivantes
Alice - Je verrais le jardin beaucoup mieux, au sommet de cette colline. Ô, Lis Tigré comme je voudrais que tu puisses parler.
Lis Tigré – Nous pouvons parler du moins, quand il y a quelqu'un qui mérite qu'on lui adresse la parole.
Alice, après un long silence – Est-ce que toutes les fleurs peuvent parler ?
Lis Tigré – Aussi bien que toi et beaucoup plus fort que toi.
Rose – Mais vois-tu, ce serait très mal élevé de notre part de parler les premières ; je me demandais vraiment si tu allais te décider à dire quelque chose ! Je me disais comme ça : « Elle a l'air d'avoir un peu de bon sens, quoique son visage ne soit pas très intelligent !
Alice – N'avez-vous pas peur de rester plantées ici, sans personne pour s'occuper de vous ?
Rose – Nous avons l'arbre qui est au milieu. Il pourrait aboyer.
Pâquerettes – Il fait : « Bouah-bouah ! », et c'est pour ça qu'on dit qu'il est en bois ! Comment ! tu ne le savais pas ? « Bouah-bouah ! »,
Lis Tigré – Silence, tout le monde ! Elles savent que je ne peux pas les atteindre ! sans quoi elles n'oseraient pas agir ainsi !
Alice – Ça ne fait rien ! Murmurant aux pâquerettes : Si vous ne vous taisez pas tout de suite, je vais vous cueillir !
Il y eut un silence immédiat.Lis Tigré –Les Pâquerettes sont pires que les autres. Quand l'une d'elles commence à parler, elles s'y mettent toutes ensemble, et elles jacassent tellement qu'il y a de quoi vous faire faner !
Alice – Comment se fait-il que vous sachiez toutes parler si bien ? J'ai déjà été dans pas mal de jardins, mais aucune des fleurs qui s'y trouvaient ne savait parler.
Lis Tigré – C’est parce qu’ici la terre est très dure. Dans la plupart des jardins on prépare des couches trop molles, de sorte que les fleurs dorment tout le temps.
Alice – Je n'avais jamais pensé à ça !
Rose – À mon avis tu ne penses jamais à rien. Je n'ai jamais vu personne qui ait l'air aussi stupide.
Lis Tigré – Veux-tu bien te taire, toi ! Comme si tu ne voyais jamais les gens ! Tu gardes toujours la tête sous tes feuilles, et tu te mets à ronfler tant que tu peux, si bien que tu ignores ce qui se passe dans le monde!
Alice – Y a-t-il d'autres personnes que moi dans le jardin ?
Rose – Il y a une fleur qui peut se déplacer comme toi. Je me demande comment vous vous y prenez…
Lis Tigré - Tu es toujours en train de te demander des choses …
Alice – Est-ce qu'elle me ressemble ?
Rose – Ma foi, elle a la même forme disgracieuse que toi mais elle est plus rouge…
Lis Tigré – Ses pétales sont très serrés, presque autant que ceux d'un dahlia; au lieu de retomber n'importe comment, comme les tiens.
Rose, gentiment –Mais, bien sûr, ça n'est pas ta faute. Vois-tu, c'est parce que tu commences à te faner… À ce moment-là, on ne peut pas empêcher ses pétales d'être un peu en désordre.
Alice – Est-ce qu'elle vient quelquefois par ici ?
Lis Tigré – Je pense que tu ne tarderas pas à la voir.
Pâquerettes – La voilà qui arrive ! J'entends son pas, boum, boum, dans l'allée sablée !
[...]